Il faut qu’on parle de Kevin – Lionel Shriver

TITRE : Il faut qu’on parle de Kevin
AUTEUR : Lionel Shriver
Editions : J’ai Lu
16 avril 2008
606 pages

❢ Dans le cadre du défi ValériAcr0, Acr0 a été me pêcher Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver, pour la sélection de juin 2014. Tout d’abord parce qu’elle avait vu l’adaptation ciné, et que bon, elle a bien kiffé. Mais aussi, parce qu’elle voulait fêter dignement la saint Kevin (le 3 juin). J’ai accueilli le défi avec Ô joie! étant donné que j’avais envie de la sortir de ma Pile A Lire- entré en juin 2012- depuis quelques semaines et que je n’avais pas encore réussi. On peut dire qu’elle a bien tapé.

Un nuage de résumé dans votre thé?

❢ A la veille de ses 16 ans, Kevin Khatchadourian se rend au lycée et assassine plusieurs de ses “camarades” et professeurs. 1 an après les faits, Eva Khatchadourian, sa mère, entretient une correspondance avec Franklin, le père de Kevin. A travers ces lettres, elle revient sur les 16 années précédant cet évènement qui a changé leur vie à chacun.

Oups, j’ai laissé glisser mon avis dans votre tasse…

❢ Je me souviens d’avoir été tentée par ce livre lors de la sortie de son adaptation au cinéma. Le sujet était assez lourd, mais j’avais vraiment envie de savoir comment l’auteur allait interpréter un tel acte de violence. Lors du premier feuilletage, j’avais repéré que le récit prenait la forme d’une correspondance, ce qui m’enchantait déjà pas mal. C’est en entamant ma lecture que j’ai pris conscience qu’il s’agissait de lettres envoyées par Eva à son mari, mais sans réciprocité.

Note de bas de page : durant ma lecture, je me disait que ce “Lionel Shriver “était quand même balaise pour faire passer les “sensations” d’une femme de cette manière. Lionel est en fait une Madame.

❢ J’ai été totalement happée par ce roman. Au niveau du style, j’ai beaucoup apprécié le fait qu’il soit basé sur une correspondance. Je trouve que ça apporte un côté “vivant” et immédiat, comme si on découvrait le courrier en même temps que le destinataire. Le fait que la narratrice interrompe ses écrits selon ses déplacements (elle commence dans un café, et finit chez elle par exemple), apporte également ce sentiment de “voyage”. De même, la manière de s’exprimer dans une lettre est différente de celle utilisée lorsqu’on relate une histoire. Eva revient sur toutes les années qui ont construit leur vie commune, de leur rencontre jusqu’au drame. A maintes reprises elle interpelle son mari sur certains événements, et elle semble également se montrer plus “confiante” –dans le sens où elle se confie plus- elle lui dévoile plus ses sentiments et tout ce qu’elle ne lui a pas dit avant. A travers ces lettres, Eva tente de répondre à la grande question : “Pourquoi?”; et cela passe par une profonde introspection. Avec le recul des années, elle va procéder avec minutie à l’analyse des comportements et attitudes qu’elle a eus et développés avec son fils; mais aussi sur leurs interactions, et celles que Kevin entretenait avec son père. Tout ça pour tenter de comprendre.

❢ A la base, j’imaginais que je lirais ce livre plutôt facilement. Tût-tût-tût! Que nenni! Une fois plongée dedans, oui on avance, mais le texte est tout sauf facile à lire. Alors attention, le style n’est pas lourd et ni pompeux, loin de là. Mais le contenu est tellement dur qu’il faut prendre le temps de tout bien digérer. Le texte se lit agréablement, c’est fluide et dynamique, mais il demande une certaine implication. Le lecteur se retrouve face à la mise à nu de cette femme qui doit faire face à une situation atroce et qui délivre ses sentiments les plus intimes. Bref, c’est beau, c’est prenant et c’est assez bouleversant.

❢ Se plonger dans Il faut qu’on parle de Kevin, c’est se confronter à un sentiment de malaise, désagréable… une furieuse envie de hurler à Eva “pourquoi tu laisses ça comme ça?!?!” – je ne vais pas trop en dire pour ne pas spoiler. Bon nombre de situations sont insupportables et j’avais envie d’interférer pour faire changer les choses. En tant que spectateur, on assiste impuissant à la vie d’Eva et de sa famille. Evidemment, à la lecture, nous bénéficions du recul porté par la narratrice sur sa propre vie et donc c’est facile de se dire “pourquoi laisser ça comme ça”. Une fois la tête dans le guidon, opter pour d’autres réactions est toujours plus délicat.

❢ J’ai vraiment apprécié suivre et apprendre à connaître cette mère, avec “ses qualités et ses défauts”-parce que finalement que sont qualités et défauts, très subjectifs tout ça. Assez brute, elle porte un regard dur sur elle-même. On ressent bien cette culpabilité qui la ronge. Tout au long de l’histoire, un sentiment de révolte croissant m’habitait. Plus je m’attachait à Eva, plus j’avais mal pour elle. On fait également connaissance avec Kevin, cet enfant terriblement énigmatique et troublant; Franklin, le père. A travers les 600 pages, l’auteur décortique le caractère de ces trois personnages principaux à travers la voix de Eva. Mais on fait aussi la connaissance d’autres personnages plus éloignés du cercle familial mais dont l’existence a son importance dans cette histoire. Au final, Shriver dépeint le portrait d’une vie qui avait tout pour être “normale”… à l’origine.

❢ En bref, Il faut qu’on parle de Kevin est un coup de coeur. Passionnée par le récit abrupte, froid que la mère nous livre à travers sa correspondance avec son mari, j’ai pris beaucoup de plaisir, même s’il était teinté d’un sentiment de malaise, à lire ce roman. Les mots sont durs, les phrases sont remplies d’émotion, le ton reflète la personnalité de la narratrice. Mais en même temps, l’auteur fait preuve d’une certaine économie de mots : pas de surplus, pas de chichis ou de descriptions inutiles, le texte est cru et va à l’essentiel. Au delà de la violence physique que Kevin a infligé à ses condisciples, on découvre qu’il s’agit là d’un point d’orgue à toute une violence psychologique vécue par Eva. L’histoire prend place au coeur d’une famille aisée, bourgeoise et témoigne que “les tueries” ne sont pas que l’apanage des gangs ou autres milieux défavorisés. Tout au long du récit, on tente de décrypter “pourquoi”, mais est-ce vraiment là le point ?
Avec une histoire sombre et pénible, ce livre est un réel coup de poing dans la figure qui ne laisse pas indifférent. Attention, coup de coeur en puissance!

Défi ValériAcr0❢ Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver était mon défi du mois de juin. Merci Acr0 de m’avoir précipitée dans cette aventure!
Un livre tellement prenant que j’ai même réussi à me plonger dedans pendant un festival de Métal, sous tente et sans boule Quiès.

L’avis de Madame Olivia Lanchois.

 

10 commentaires sur “Il faut qu’on parle de Kevin – Lionel Shriver

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  1. Ce qui m'a servi c'est que je ne savais pas du tout de quoi traitait l'adaptation cinématographique (et donc le livre), je pense que j'ai été d'autant plus surprise. J'imagine bien que tu aies eu du mal à le lire au vu du "cœur" de l'histoire. Il vaut mieux avoir une lecture légère à côté (enfin pour ceux qui lisent plusieurs livres en même temps).
    Héhé le fait de t'y plonger en plein festival de métal note bien l'immersion.

    1. Je connaissais la "base" de l'histoire avant, mais le récit est vraiment surprenant. C'est plus fort que s'il s'était agit d'une narration "classique". Là on est en plein dans la perception de la mère, dans son vécu. Ce qui est bien rendu dans le film également. Dans le livre, c'est encore plus fort je crois (vu que plus long aussi, et plus détaillé). Un livre que je te recommande chaudement!
      Hihi, oui, je profitais de quelques temps de repos à la tente pour lire. Puis je lisais aussi au retour vers les 2h du mat' (wais wais je rentrais tôt après les concerts :-), mais on n'a plus 20 ans :-))

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